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OKL’hiver approche et nous sommes donc confrontés à la question de savoir si la réserve hydroélectrique sera suffisante. La météorologie peut-elle ici nous fournir certains éléments de réponse ? Et des prévisions météorologiques fiables sont-elles possibles actuellement ?
Tout d’abord, il convient de préciser que la météo est un système chaotique, ce qui signifie que les prévisions météorologiques peuvent changer à tout moment. Les prévisions à long terme, par exemple pour l’hiver prochain, sont empreintes d’une très grande incertitude. Mais elles sont tout de même importantes, car elles nous fournissent une tendance. Il y a 15 ans, je ne regardais jamais ces prévisions. Mais je le fais aujourd’hui car le développement de modèles en météorologie a beaucoup évolué. À l’heure actuelle, les tendances météorologiques pour le quatrième trimestre 2023 semblent plutôt détendues. Les tendances sont à des températures plutôt chaudes, combinées à des précipitations. Par rapport à l’année dernière, la situation de l’approvisionnement en Europe semble nettement meilleure. Mais il est impossible de garantir que l’hiver sera détendu sur les marchés de l’électricité. La nervosité des marchés reste élevée.
L’été 2023 a été très chaud et sec. Pour le météorologue d’une entreprise énergétique, une telle situation météorologique n’a certainement pas que des avantages, n’est-ce pas ?
Je dirais que l’été 2023 a été satisfaisant pour les marchés de l’énergie en Europe. Les périodes de forte chaleur ont été entrecoupées de températures plus fraîches. L’offre et la demande d’énergie se sont ainsi stabilisées. La situation devient, par contre, particulièrement critique en cas d’anomalies météorologiques importantes et corrélées, comme par exemple lors d’une longue période de canicule. Cela signifie non seulement des températures extrêmes, donc une demande accrue, mais souvent aussi peu de vent et de précipitations, par conséquent une offre réduite. Et ces phénomènes météorologiques extrêmes ont eu plutôt tendance à augmenter ces dernières années. Un défi qui va, malheureusement, sans doute s’accentuer à l’avenir en raison du changement climatique.
Pourquoi les prévisions météorologiques sont-elles si importantes pour une productrice d’énergie comme Alpiq – et dans quelle mesure leur pertinence a-t-elle évolué au fil des ans ?
La météo a une influence décisive sur la production d’énergie éolienne, solaire mais aussi hydraulique. C’est la météo qui décide quand, où et combien d’énergie renouvelable nous pouvons produire. Comme la production d’énergie renouvelable a augmenté considérablement en Europe au cours des dix dernières années et qu’elle continuera d’augmenter dans l’avenir, les prévisions météorologiques ont sensiblement gagné en importance. Et cela ne s'applique pas uniquement pour un horizon à court terme de quelques jours. Il s’agit aussi de plus en plus de scénarios météorologiques sur le long terme comme nous l’évoquions au début. Cette dépendance à la météo se reflète d’ailleurs dans les chiffres : en Allemagne, la production d’énergie éolienne s’élevait à près de 40 TWh en 2010. Aujourd’hui, elle a dépassé les 120 TWh. En 2028, elle pourrait atteindre 200 TWh.
Dans quelle mesure des prévisions précises permettent-elles d’anticiper les fluctuations pour pouvoir planifier de manière optimale la production d’électricité et adapter l’utilisation des centrales ?
Les prévisions météorologiques aident une productrice d’énergie comme Alpiq à produire de l’énergie le plus efficacement possible et à contribuer ainsi à la sécurité de l’approvisionnement. Les fluctuations de la production prédite constituent un véritable défi et peuvent coûter cher aux producteurs d’électricité. En météorologie, les incertitudes de production sont prises en compte des « prévisions d’ensemble ». Au lieu d’une seule, de nombreuses prévisions sont effectuées, qui fournissent une indication quantitative des fluctuations possibles. Mais même une prévision météorologique parfaite ne peut garantir l’absence de variations. Des goulets d’étranglement sur le réseau entraînent en outre de plus en plus des réductions de la production, comme c’est le cas en Allemagne. Si le réseau est surchargé, par exemple en raison d’un vent plus fort que prévu, certaines unités de production peuvent être arrêtées. Le développement du réseau en Europe est à la traîne par rapport à l’expansion rapide des énergies renouvelables.
Les prévisions sont d’une importance déterminante, notamment pour le négoce d’énergie – pour quelles raisons ? Et as-tu un exemple concret de la manière dont les prévisions météorologiques influencent le négoce ?
Dans le négoce, l’offre et la demande déterminent le prix de l’énergie. La météo a un impact sur les deux. Des conditions météo plus venteuses entraînent une augmentation de l’offre d’électricité éolienne. Nous avons alors besoin de moins de centrales thermiques coûteuses, comme le charbon ou le gaz, pour répondre à la demande. Donc, les prix baissent. Les températures froides peuvent faire grimper la demande en électricité, car les gens chauffent davantage. Cela entraîne par contre des hausses de prix. La météo est une pièce du puzzle de formation des prix de l’énergie dans le négoce. Elle joue un rôle plus ou moins important, mais elle exerce toujours une influence.
Quelles données météorologiques et quelles informations fournis-tu à un négociant afin qu’il évalue au mieux les opportunités et les risques pour son négoce ?
Notre objectif en tant que météorologues est de fournir aux négociants des informations météorologiques ciblées que possible. Pour ce faire, nous effectuons des briefings oraux et écrits dans lesquels nous présentons des estimations sur l’évolution des conditions météo en Europe. Il s’agit de convertir les prévisions météo complexes en informations pertinentes pour le négoce. Nous analysons les données de différents modèles météorologiques et quantifions l’influence de la météo sur l’offre et la demande. La communication entre le négociant et le météorologue est essentielle ici : nous devons impérativement parler la même langue. En tant que météorologue, si je pense comme un négociant, cela aide considérablement.
Et quels paramètres examines-tu en détail ?
La température ainsi que l’offre d’énergie éolienne, solaire et hydraulique sont importantes. Mais il y a d’autres paramètres passionnants que nous observons encore de plus près : en raison de l’interconnexion internationale du négoce, la météo mondiale revêt une importance croissante. Les cyclones tropicaux en sont un exemple. Les ouragans peuvent perturber les routes lignes maritimes régulières empruntées par des méthaniers, retardant ainsi l’approvisionnement en gaz. Cela est également important pour le négoce d’énergie.